C’était dimanche. Au menu de la conférence de rédaction à 9h : un troupeau de vaches foudroyé lors de l’orage de la veille, et une affaire de vols sur la plage de Dunkerque. Il y a deux équipes, le rédacteur en chef nous demande de choisir. Je prends deux secondes pour demander poliment à mon collègue JRI ce qu’il préfère… et le rédacteur de l’autre équipe choisit immédiatement l’histoire des vaches. Il était le plus malin. Je n’imaginai pas du tout, à ce moment là, où j’allais finir la journée…

Le dimanche, les autorités publiques sont très difficiles à joindre et presque jamais disponibles. Pour mon affaire de vols, impossible d’avoir la police : je n’allais donc pas avoir d’interview et aucune précision sur l’identification des deux jeunes voleuses. Ca partait mal, j’étais presque à poil, mais mon red-chef’ n’avait pas mieux et nous avons décidé d’aller tout de même à Dunkerque, « à la pêche », en se basant sur des micro-trott’ à la plage et en espérant avoir des choses intéressantes auprès des surveillants de baignade, des commerçants du bord de mer, voire même en chopant une patrouille de police coopérative.

Mais juste avant d’entrer dans le parking et de monter en voiture, mon red-chef m’appelle : on avait un meilleur plan. Un habitant d’une cité minière, la Cité 3 d’Auchel précisément, venait d’appeler France 3 pour témoigner : sa 4L a été incendiée dans la nuit, trois jours après que son garage ait été démoli par une voiture, le tout alors que lui, d’autres riverains et le Maire sont excédés par des incivilités commises depuis quelques mois par des jeunes du quartier.

Il y a effectivement matière à faire un sujet. Pour mon red-chef, il faudra toutefois être prudent : « C’est un quartier chaud, faites gaffe quand même. » Soit. Allons-y.

A notre arrivée (sous le soleil) aux abords de la cité (apparemment paisible et plutôt charmante avec ses petites maisons en brique), une voiture de police en patrouille (vitres ouvertes et sourire aux lèvres) accepte de nous mener chez la victime de l’incendie. Là-bas, l’homme, entouré d’autres riverains excédés, dresse le tableau de l’enfer qu’ils vivent, à les croire et malgré les apparences, depuis plus de 7 ans (et ce serait pire depuis quelques mois). Voyez plutôt.

 

 

Cette histoire aurait pu plaire à Julien Courbet. Quartier chaud ? Pas vraiment. En fait, on est autant dans la querelle de voisinage que dans la petite délinquance, le tout sur un fond social…

Manifestement, lorsque la femme qui s’exprime parle des « armes » sorties par les riverains pour chasser les jeunes, elle affabule : les riverains m’ont paru très calmes, sympathiques, et ont admis avoir sorti « un bâton », un jour, ce qui s’est transformé en « des battes de baseball » et « des armes » pour cette femme.

Cette dernière vit ici depuis deux mois seulement et est en véritable guerre avec sa voisine (qui vit avec son mari et une vieille dame, dans une maison aux volets constamment fermés), laquelle serait – selon elle – la grande responsable de la situation (elle monterait les gens les uns contre les autres etc.). J’ai parlé avec « l’accusée », qui m’a parue désespérée. Les autres riverains ont d’ailleurs pris sa défense, la plaignant d’être la plus grande et régulière victime des incivilités des jeunes.

La femme qui défend les dits jeunes (avec sincérité ou non, je ne le saurai jamais) était très heureuse de nous parler. Elle a enfilé ce superbe top façon boule à facettes avant d’être interviewée. Coopérative, elle est allée voir les jeunes pour leur demander de venir nous parler (ils ont refusé). Elle m’a aussi proposé d’appeler « un ami du Front National qui fait beaucoup pour l’intégration des jeunes » pour s’exprimer… Assez burlesque.

Il y a tant de détails de ce type qui se sont ajoutés dans cette journée de tournage qu’il m’est impossible de comprendre précisément qui dit vrai (si vérité il y a), quel est le sens de ce bordel et comment on en est arrivé là. Qu’importe. Mon travail était de présenter les faits, sans porter de jugement et sans émettre d’hypothèses fertiles. J’espère y être parvenu.