Il a été le candidat de la gauche du PS aux primaires citoyennes. Il en a surpris quelques uns en étant porté à la 3e place, à un peu plus de 17%, loin devant Ségolène Royal. Aujourd’hui, il dévoile ses projets : un nouveau mouvement politique, La nouvelle France ; une revue en ligne ; un think-tank (cercle de discussions) animant des débats avec des intellectuels de haut rang puisque Emmanuel Todd et Michel Onfray pourraient être de la partie (rappelons que Onfray soutient le Front de Gauche) ; une université populaire itinérante, destinée à former les militants de tous les partis de gauche inspirés par les « idées nouvelles ».

Les « idées nouvelles » selon Montebourg, c’est d’abord la démondialisation, soit :

– La reprise en main de la finance par le politique, par la mise sous tutelle des banques et une importante taxation des flux financiers, notamment pour sortir de ce qu’on appelle trop souvent la « crise de la dette » et pouvoir aller de l’avant.

– Le protectionnisme aux échelles nationale et européenne, c’est-à-dire la réinsersation de barrières diverses pour protéger nos économies, nos emplois et notre modèle social, dans la compétition mondiale.

Notons que ce que les tenants de la démondialisation – et Montebourg en premier lieu – soulignent trop peu souvent, c’est que la démondialisation ne signifie pas la fermeture au monde. Il convient ici d’avoir le goût de la complexité et de citer Edgar Morin (Avant-Premières du 12 octobre, France 2) :

Il faut poursuivre ce qu’il y a de positif dans la mondialisation, dans ce qui resserre les liens, dans ce qui crée une culture commune, dans tout ce qui profite aux uns et aux autres, dans ce qui va enrichir les cultures des uns et des autres. Mais en même temps, il faut éviter la désertification du local, il faut sauver les terroirs, il faut sauver l’agriculture vivrière, il faut sauver les vies locales, les vies régionales, les nations. […] Il faut mondialiser… et démondialiser.

Les idées nouvelles, c’est aussi :

– Une « mutation écologique » de l’économie et de la société.

– Un « capitalisme coopératif et mutualisé », avec une meilleure répartition des profits dans l’entreprise et une limitation des écarts de salaires.

– Une VIe République, régime primo-ministériel avec un Parlement fort et un Président arbitre, l’accent étant par ailleurs mis sur la transparence, la participation des citoyens et la décentralisation.

(100 propositions concrètes)

Bref, des idées de gauche, ni molles ni dures, juste de gauche.

 

Mais ce qui est aussi au programme d’Arnaud Montebourg… c’est le soutien du candidat du Parti socialiste, François Hollande. Et là, à première vue, on se dit qu’il y a comme une coquille…

Hollande est un digne héritier de Jacques Delors, c’est la deuxième gauche, celle qui jusqu’ici perdait les élections (mais qui gouverne). Gauche molle, gauche conformiste, gauche sociale-démocrate, gauche crédible, gauche responsable, gauche réaliste, gauche de la vérité… qu’importent les qualificatifs, cette gauche-là est plus proche du centre que des « idées nouvelles » de Montebourg. Alors pourquoi, quand on se veut vraiment de gauche, participer à la campagne de Hollande ?

On pourrait – et on se le permet souvent – qualifier Montebourg de girouette opportuniste, intéressé, plus fidèle aux promesses de carrière qu’à ses engagements idéologiques. Lui met en avant son « patriotisme de parti », sa discipline. Pourquoi pas ? D’autant que, s’il mène ses nouveaux projets à terme, Montebourg pourra peser sur le parti socialiste pour le ramener plus à gauche. C’est ce qu’ont fait Jean-Luc Mélenchon puis Benoît Hamon… avant d’abandonner : le premier a construit une nouvelle force politique pour être enfin complètement fidèle à lui-même, à gauche d’un PS trop tourné vers le centre (avec un certain succès, puisqu’il a été rejoint par le parti communiste et a su donner une voix et une crédibilité à cette gauche de la gauche qui en manquait) ; tandis que le second a arrondi les angles de son discours pour rejoindre Martine Aubry. Et pendant ce temps, le parti socialiste n’a plus grand monde pour le retenir de rejoindre les catégories de pensée du centre, précisément celles d’un monde et d’une idéologie qui est en train de s’écrouler ! François Hollande sera donc son candidat. Dans ce contexte, pendant que Mélenchon fait son travail à la gauche de la gauche, tandis que Hollande va tenter de capter les électeurs du centre, c’est bel et bien au sein du PS qu’Arnaud Montebourg sera le plus utile, pour donner du poids à son aile gauche et préparer peut-être une nouvelle gauche plurielle.

La logique est la même à propos d’un autre sujet de raillerie : le cumul des mandats. Arnaud Montebourg le pratique : député socialiste, il a décidé en 2007 de se présenter aux cantonales de Montret, pour finalement devenir Président du Conseil Général de Saône-et-Loire, ceci tout en restant député. Pourtant, cela fait bien quinze ans que l’intéressé milite pour le mandat unique ; et c’est lui qui, missionné par Martine Aubry, a mis en œuvre la fin du cumul des mandats au sein du Parti socialiste, qui s’appliquera progressivement. Bref, faites ce que je dis pas ce que je fais. Mais ici aussi… pourquoi pas ? Pour modifier un système, il faut soit le renverser, soit en adopter temporairement certaines règles pour être ensuite en mesure de les changer. Les élus ont beaucoup à gagner au cumul. Mais soyons réalistes, si passer par le cumul a facilité la défense du non-cumul à travers l’émergence de Montebourg, tant mieux pour tout le monde.

Ne soyons pas naïfs, Arnaud Montebourg sait défendre ses propres intérêts. Mais si cela lui permet de défendre plus vigoureusement encore ses convictions et idées « nouvelles », il serait malhonnête de lui faire des procès en impureté.