Mercredi, le projet de loi sur le mariage pour tous, défendu par les ministres Marisol Touraine et Christiane Taubira, a été présenté en conseil des ministres. Alors que 65% des français sont pour (selon l’Ifop), la gauche est peu mobilisée pour l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe, tandis que la droite (exceptions faites de certaines personnalités, telles Franck Riester ou encore, plus indécis, Bruno Le Maire) emboite le pas de l’Eglise catholique pour dire son conservatisme, tantôt fébrile et archaïque, tantôt nauséabonde et ignorante.

Dans ce contexte, Les Inrocks tiennent leur haut rang d’hebdomadaire sociétalement de gauche. Le journal rentre dans le dur dès la Une de son n°884 du 7 novembre : un couple gay ou lesbien (deux versions sont distribuées) s’embrassent, sous le titre « OUI ! Mariage, adoption, procréation : la gauche doit mettre la langue ».

 

HOLLANDE, TU RECULES, COMMENT VEUX-TU, COMMENT VEUX-TU… ?!

La suite se déroule entre les pages 34 et 47, avec une série de témoignages de couples homosexuels. Il en ressort un message à contre-courant du discours médiatique actuel : avec sa proposition de loi, le gouvernement est trop timide ; derrière lui, c’est François Hollande qui recule. C’est même « un choc » pour Katia et Laurence, lesbiennes, de voir que la légalisation de la PMA (procréation médicalement assistée), promesse de campagne du candidat socialiste, inscrite dans le projet du parti à la rose, est reportée sans délai, pour ne pas dire abandonnée.

 

« Au final, le gouvernement donne plutôt l’impression de céder aux franges les plus réactionnaires de la société, en ne tenant pas compte des réalités homoparentales d’aujourd’hui : difficultés pour adopter notamment dans les pays étrangers, couples de femmes qui partent en Belgique ou en Espagne pour procéder à des PMA […], statut juridique des enfants nés à l’étranger de ‘mères porteuses' », analyse le journaliste Marc Edeweld.

Ce n’est pas seulement le revirement de l’Exécutif qui est scandaleux. C’est aussi l’incohérence de sa position en demi-teinte, car « pas un pays au monde n’a procédé à l’ouverture du mariage sans intégrer la question de la PMA ! », s’indigne… le député PS du Nord Bernard Roman.

 

De l’Elysée aux courants du parti socialiste, le conservatisme sociétal s’avère puissant. Parmi les plus proches conseillers du Président Hollande, il est un homme, Bernard Poignant, qui n’hésite pas à faire sur son blog des amalgames entre homosexualité et polygamie. Dans le parti, il est un courant, « la gauche populaire », qui veut minorer les questions sociétales au prétexte que les problèmes sociaux devraient être prioritaires.

Nicolas Sarkozy instaurait la division entre les groupes sociaux. Certains socialistes font maintenant s’affronter le sociétal et le social, avec l’absurde sous-entendu qu’il s’agirait de confronter bobos et catégories populaires… Du « populisme », selon le sociologue Eric Fassion, qui explique dans un entretien tout ce qu’il y a de politique dans cette confrontation.

 

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Les Inrocks, so gay, mais pas gai. Pas gaie non, la situation des réfugiés de Sangatte. L’hebdomadaire a réalisé un reportage dans le Pas-de-Calais, dix ans après la fermeture du centre (p.16-18). Le flux et la misère des migrants reste une réalité. Le « délit de solidarité » aussi…

Jetez enfin un oeil à l’interview de Raphaël Liogier, sociologue des religions, qui publie « Le mythe de l’islamisation ». Un essai pour nous faire mieux comprendre le rejet dont sont aujourd’hui victimes les musulmans dans notre pays. Comprendre surtout ce qui l’explique : la paranoïa collective de la société française, au sujet de laquelle une élite – politique, intellectuelle et médiatique – a une responsabilité « primordiale », selon le sociologue. C’est à lire en pages 14 et 15, le tout complété par la percutante chronique de Jean-Marie Durand, en page 115.

 

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