Vu et entendu sur iTélé samedi : Eric Zemmour et Nicolas Domenach dans « Ca se dispute ». Discutant du débat sur la compétitivité, les deux journalistes sont tombés d’accord sur un point : la gauche oublie totalement la dimension du coût du capital, au moins aussi importante pourtant que celle du coût du travail pour expliquer le niveau de compétitivité des entreprises françaises.

 

Rappelons ce qui constitue les revenus d’une entreprise, de manière simple. La base de calcul, c’est ce que produit l’entreprise. On parle de « valeur ajoutée » (VA), redistribuée entre :

  • Les salaires (qui augmentent peu en France) et cotisations sociales (que le gouvernement va diminuer) : c’est le fameux « coût du travail ».
  • Les impôts liés à la production.
  • La marge, appelée « excédent brut d’exploitation » (EBE).

Selon l’Insee, le taux de marge des entreprises françaises non-financières a baissé depuis le début de la crise. Il est aussi plus faible que partout ailleurs en Europe.

 

 

Pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, on peut donc agir à ce premier niveau : baisser les salaires, les cotisations et/ou les impôts, pour qu’il reste davantage d’EBE. C’est le choix du gouvernement, via un crédit d’impôt.

Mais il y a un autre niveau d’action, celui de la redistribution de l’EBE entre :

  • Les intérêts d’emprunt.
  • L’impôt sur les bénéfices.
  • L’épargne.
  • Les investissements et dépenses en recherche et développement (R&D).
  • Les dividendes (rémunération des actionnaires) : c’est le « coût du capital ».

Depuis 2000, la part des dividendes dans la VA des sociétés non-financières françaises a augmenté de 62%, passant de 5,6% à 9%. Les actionnaires se goinfrent ? Plutôt, oui. Or dans le même temps, c’est l’innovation qui en pâtit, puisqu’en 20 ans, les dépenses en R&D sont passées de 44% à 25% en France, selon l’OCDE.

Ne serait-il pas temps de limiter, par la loi, le niveau de rémunération des actionnaires, pour qu’il reste davantage aux entreprises davantage de bénéfices prêtes à être dépensées dans la R&D ?

C’est un peu ce qu’a fait le gouvernement socialiste, en créant cet été une taxe à 3% sur les dividendes prélevée à la source, c’est-à-dire payée par l’entreprise et non par les actionnaires, précisément pour que l’entreprise soit incitée à dépenser moins dans les dividendes et plus dans la R&D.

Alors, la gauche a-t-elle fait son travail ? Non. 3% sur les dividendes, face au pack « crédit d’impôt + augmentation de la TVA », cela paraît faible. Ca l’est même doublement : économiquement, mais aussi médiatiquement (comme le soulignait Domenach), tant c’est le cadeau aux entreprises qui a pris le dessus sur la taxation du capital…

 

CAPITAL NOUS FAIT AIMER LES RICHES

Terminons avec un autre vu et entendu : Capital, hier sur M6. Thème de l’émission : « Peut-on se passer des riches ? ». Bonne question. On s’attend alors à deux choses :

  • Suivre quelques riches pour avoir leur point de vue, c’est-à-dire le point-de-vue d’entrepreneurs et chefs d’entreprise (marque de fabrique de Capital).
  • Et faire un peu d’investigation, aller au bout de la réflexion.

Mais il y a tromperie sur la marchandise, puisque seule le premier élément est présenté par Capital. L’émission nous présente de riches chefs d’entreprises, elle nous montre ce qu’ils apportent à l’économie française, les laisse s’exprimer,… C’est juste et enrichissant. Mais c’est insuffisant pour répondre à la question posée : peut-on s’en passer ? Or en en restant là, Capital induit que non, on ne peut pas s’en passer. Ce qui pourrait être de l’information devient un plaidoyer partial, parce qu’il n’est pas à la hauteur de l’énoncé du thème de l’émission.

Exemple avec PKM, un de ces entrepreneurs qui injectent de l’argent dans l’économie…

Eh oui, le bonhomme est un pigeon. Je vous renvoie vers cet article de Marianne sur le sujet… Qu’importe, PKM, c’est très bien ce qu’il fait, investir ce qu’il a gagné par la revente de son entreprise dans de nouvelles start-up. Mais comme on l’a vu – et c’est d’ailleurs logique pour un investisseur privé – ce n’est pas de l’argent donné : il attend certains retours sur investissement, c’est-à-dire de l’argent que les start-up en question ne pourront pas verser en salaires ou dépenser en R&D. Ainsi, ce qui sert à soutenir le développement de l’entreprise le limite aussi mécaniquement. Mais ça, Capital ne l’évoque pas un instant.

Proposons maintenant une logique socialiste et redistributive : l’Etat taxe davantage PKM et s’occupe de subventionner des start-up, via sa nouvelle Banque publique d’investissement (BPI) ; l’Etat ne demandera rien en retour, les start-up ont donc tout à y gagner. Peut-on se passer des riches ? La réponse devient au moins « peut-être ». Quant à l’hypothétique talent de PKM pour cerner quelles sont les entreprises d’avenir et donner de bons conseils : qu’il travaille pour la BPI !