Il avait promis que ce serait sa vraie rentrée. Finalement, peu surprises (la faute aux interviewers ?). Outre une charge contre la réforme des retraites, conforme à ses anciennes allocutions, Jean-Luc Mélenchon s’est longuement prononcé sur le cas syrien. Mais il a eu beau dépeindre François Hollande en « supplétif des nord-américains », le coprésident du Parti de gauche, invité du Grand Jury d’RTL ce dimanche, n’a pas proposé d’alternative crédible à l’intervention militaire en Syrie. Pourtant, elle existe.

Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche, invité du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro.
Jean-Luc Mélenchon, invité du « Grand Jury » RTL-LCI-Le Figaro.

La « ligne rouge » fixée par Barack Obama a été franchie : Bachar al-Assad a fait tuer des milliers de syriens avec du gaz sarin. Le Président américain va donc demander au Congrès d’approuver une intervention militaire. François Hollande est prêt à le suivre. Comme François Mitterrand en 1993, pour la première guerre d’Irak.

De la même manière qu’il s’était opposé à son modèle-président-camarade socialiste il y a 20 ans, Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de Gauche, s’oppose aujourd’hui à son « adversaire » de l’Elysée.

« Pas d’intervention », c’est la position officielle du Parti de gauche et répétée par Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite que le Président demande un vote du Parlement (il ne s’agirait que d’une consultation, comme le veut la Constitution). « La politique », « la discussion », voilà la seule alternative qu’évoque Jean-Luc Mélenchon. Autant dire que Bachar al-Assad peut agir en toute impunité.

 

COMMENT EXPLIQUER CETTE POSITION ?

« Nous n’avons rien à faire avec les nord-américains », a déclaré Jean-Luc Mélenchon sur RTL, taxant même François Hollande de « supplétif » des États-Unis. Anti-américanisme et anti-hollandisme primaires ? Assurément non.

Jean-Luc Mélenchon est un chantre de l’indépendance nationale. Il estime que « la France n’a pas d’intérêts à défendre dans cette région du monde » et n’a donc rien à y faire. Sur RTL, il a même fait une parenthèse en rappelant l’atlantisme de la SFIO (ancêtre du parti socialiste) face au Général De Gaulle. Le Parti de gauche semble d’ailleurs friand de références anciennes…

 

 

Jean-Luc Mélenchon est aussi un légitimiste et un universaliste. Il refuse donc que quoi que ce soit se fasse hors d’un accord international. Pour lui, la France « n’est pas une nation occidentale » et devrait se mettre à la tête d’un « mouvement universaliste » sur la base de l’ONU.

Or l’ONU ne donnera jamais son accord pour une intervention en Syrie, car la Russie, fidèle partenaire du clan Assad, dispose du droit de véto au Conseil de sécurité. Droit de véto que Jean-Luc Mélenchon ne veut absolument pas supprimer, contrairement à EELV (et à Daniel Cohn-Bendit).

 

UNE AUTRE RÉPONSE MOINS MOLLE À GAUCHE

Dans son ensemble, la gauche opposée à l’intervention avance trois arguments :

  • Aucune intervention militaire au Moyen-Orient n’a connu de fin heureuse. Que ce soit en Irak ou en Lybie, la démocratie ne s’est pas installée.
  • De nombreux et complexes enjeux se cachent derrière cette question de l’intervention militaire dans une région pétrolière et nucléaire, véritable « poudrière ». Les intérêts des Etats-Unis, du Qatar et de l’Iran sont notamment concernés.
  • La rebellion laïque, cette frange non-islamique de la Révolution dont on entend peu parler, ne veut pas d’intervention militaire extérieure.

Mais alors que le bilan humain s’élève à 110.000 morts, des « universalistes » peuvent-ils se résoudre à la passivité ? Une alternative existe. Cette révolution a besoin d’armes, comme l’écrit le journaliste Denis Sieffert dans Politis (n°1266, 29 août 2013) :

La seule solution reste donc, selon nous, l’armement des courants laïques et progressistes au sein de la rébellion […]. C’est-à-dire de s’inscrire dans le mouvement révolutionnaire, et non en dehors de lui […]. Quant aux spéculations sur l’avenir et à la peur des islamistes, elles ne peuvent justifier un soutien déguisé à Bachar al-Assad en Syrie.

Intervenir, mais pas directement. Voilà une position raisonnée mais forte. C’est aussi celle du NPA. Le Parti de gauche a au contraire choisi une ligne molle qui ne lui ressemble peut-être pas. Elle clive à gauche et pourrait passer pour de l’égoïsme nationaliste aux yeux des Français, même si une majorité d’entre eux sont opposés à une intervention directe.