Aujourd’hui, j’ai fait un peu de web. Voici un premier article.

En 2004 et 2005, 4 communes de la région avaient franchi le rubicon du numérique : Saint-Pol-sur-Mer, Confé-sur-l’Escaut, Annoeullin et Hazebrouck. Et depuis ? Rien. Ou presque. Les trois premières sont ravies : le 22 avril 2012, on y votera sans papier. La dernière a abandonné. Aucune autre n’est venue gonfler les rangs.

Saint-Pol-sur-Mer a été le pionnier, en investissant dans des machines à voter dès décembre 2004, à l’occasion d’un référendum local. Une initiative heureuse selon la mairie. « Avant cette première fois, on avait fait des démonstrations avec une machine, notamment dans un foyer de personnes âgées, et du coup ça s’est très bien passé », raconte Myriam Carton, responsable du service élections de la mairie. « Maintenant les gens sont habitués, ça a vraiment bien été accepté », renchérit-elle.

Et pour cause, à en croire la municipalité, il y a tout à gagner dans les machines à voter ! Plus de dépouillement, résultats disponibles à peine 10 minutes après la fermeture des bureaux, économies de papier (même si la préfecture continue d’envoyer un minimum de bulletins, obligation légale), simplicité d’utilisation pour les électeurs (deux boutons, brail).

Des inquiétudes sur la sécurité ? Les machines sont-elles totalement fiables ? Si les erreurs humaines du dépouillement sont éradiquées, qu’en est-il des bugs techniques ? « Les machines sont robustes », assure Myriam Carton. Un ticket de contrôle est imprimé et signé par les personnels des bureaux de vote, à l’ouverture et à la fermeture de ces derniers, tandis que les machines sont « scellées » – fermées à clé – pendant la journée de vote. Sur le ticket imprimé à la clôture des votes, on trouve les résultats : ils sont additionnés à ceux des autres machines dans un bureau centralisateur.

Pourquoi diable la municipalité d’Hazebrouck a-t-elle alors abandonné le vote électronique en 2008, alors qu’elle avait mis 96.000 € dans 32 machines en 2007 ? Officiellement, à cause d’une circulaire du 1er février 2008 : en interdisant de proposer plus d’une machine par bureau de vote, elle a découragé cette commune qui comptait alors 10 bureaux et n’avait pas les moyens d’en créer de nouveaux.

La commune a rendu les 19 machines qu’elle avait louées et a mis les autres aux placard, en attendant que ses informaticiens leur trouvent une autre forme d’utilisation (gestion d’archives notamment). Et le vote électronique n’est pas du tout dans les petits papiers de l’actuelle municipalité.

Mais pour la mairie de Saint-Pol-sur-Mer, si Hazebrouck a jeté l’éponge, c’est parce que la commune n’avait pas fait le bon choix : « ils ont eu des soucis avec leurs machines », confie Myriam Carton, « ce n’étaient pas les mêmes que celles qu’on utilise nous et les deux autres communes ». Surtout, la société espagnole à laquelle Hazebrouck avait fait appel a fait faillite et ne pouvait donc plus assurer la maintenance des machines…

Si l’on a comme la sensation d’entendre à Saint-Pol-sur-Mer un discours digne d’un VRP de machines à voter, c’est peut-être parce que les municipalités séduites par le système sont en coopération régulière avec la société importatrice des machines (de marque Nepad). Avant chaque échéance électorale, les services de Saint-Pol-sur-Mer, Confé-sur-l’Escaut et Annoeullin, se retrouvent pour une journée de « formation » organisée par France Election, la société choisie par l’Association des Maires de France pour fournir tous les outils nécessaires au déroulement des élections, dont les fameuses machines à voter.

France Election, qui peine aujourd’hui à convaincre les maires français. Dans le pays, seulement 64 communes proposeront le vote électronique dimanche. Elles étaient 65 aux européennes de 2009, 72 aux municipales de 2008, 79 aux présidentielles de 2007. Celles qui persistent font souvent un effort de pédagogie : à l’instar de Saint-Pol-sur-Mer en 2004, Annoeullin forme ses habitants, à partir d’une machine en ce moment installée dans le hall de la mairie ; les visiteurs peuvent tester et s’informer. Celles qui s’en tiennent au papier pointent en revanche un risque bien réel de fraude électorale, à la portée de n’importe quel bon informaticien.

Un risque plus grand encore pour le vote électronique à distance, qui est pourtant on ne peut plus d’actualité, puisqu’il sera proposé aux français de l’étranger, à l’occasion des prochaines législatives, en juin. Le maire de Saint-Pol-sur-Mer se serait d’ailleurs déjà dit prêt à passer au vote par internet.