Sacrée aventure ! Pendant une semaine, nous avons travaillé sur les infections sexuellement transmissibles (IST). C’était le sujet d’un « dossier » que toute notre promotion avait à réaliser dans le cadre d’un cours du même intitulé. Avec Andréas Petit (qui travaille en presse web pour Le Moniteur), nous avons écrit ce papier sur les dépistages des IST. Et on peut dire qu’on a donné de notre personne, puisqu’on a joué les cobayes, sur le terrain. Voici le résultat.

C’est un conseil en forme d’injonction, repris en boucle, sans jamais expliquer à quoi il faut s’attendre : « allez vous faire dépister ! ». Mais comment se passe précisément une consultation de dépistage ? Reportage dans les centres de l’hôpital Saint-Louis et de l’Institut Alfred Fournier, à Paris.

 

PRENDRE SON TEMPS

Il est 8 heures du matin à l’hôpital Saint-Louis, dans l’est parisien. Le centre de dépistage est situé dans un bâtiment annexe, avec sa propre entrée et son accueil. À chaque arrivée, une infirmière fait remplir un court questionnaire sur la vie sexuelle du patient. Elle lui remet également un numéro d’identification qui remplace ses nom et prénom. Ce centre, comme huit autres à Paris, réalise des tests gratuits et anonymes. Les anonymes justement, il est temps de les rejoindre en salle d’attente. Une vingtaine est déjà là, assise sur des fauteils rouges, intriguée par des revues vieilles de six mois et bercée par la radio Nostalgie. La majorité a moins de trente ans. Gay ou hétéros, venus en couple ou en solitaire. Ici une maman africaine avec ses deux enfants en bas âge. Là une jeune femme avec des dread locks. Tous les styles et toutes les couleurs.

Du côté de l’Institut Alfred Fournier, dans le sud de Paris, après avoir suivi les panneaux « CIDDIST » (Centre d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles) et franchi les grandes portes battantes du centre, il faut retirer un ticket à l’accueil. C’est alors sans aucune explication, ni même un questionnaire, que l’on rejoint les bancs de bois de l’espace d’attente. La population est aussi diverse, mais moins nombreuse qu’à Saint-Louis : une dizaine d’individus patientent dans le silence. Personne n’ose engager la conversation. La plupart trahit quelques signes d’appréhension.

Les quelques patients reçues en consultation sont vite remplacées par de nouveaux arrivants. Il n’y a que trois médecins. l’attente est longue ici aussi, deux heures.

BONJOUR DOCTEUR

« N°150 ! » Enfin la délivrance arrive, quand un médecin appelle le bon numéro. C’est une jeune femme à la chevelure longue et rousse, en blouse blanche. Joviale, le débit rapide, un grand sourrire et l’attention nécessaire pour mettre à l’aise. Elle prévient : « Je vais vous poser des questions très intimes, mais ce n’est pas spécialement pour vous, c’est pour tout le monde pareil ! ». L’entretien dure à peine dix minutes. « Vous fréquentez quelqu’un en ce moment ? », « Combien avez-vous eu de partenaires depuis un an ? », « Combien depuis votre première fois ? », « C’était à quel âge ? », « Votre dernier rapport à risque remonte à quand ? », « Je suppose qu’il y a eu fellation, pénétration vaginale,… anale aussi ? » Le patient peut alors rappeler à son médecin qu’il a omis de poser une question, pourtant habituelle : « Quelle est votre orientation sexuelle ? »

A Saint-Louis, la blouse blanche est portée par un homme métissé, qui accueille les patients avec un large sourrire éclairant son visage. Un mur de son bureau est orné d’un grand poster « N’oubliez pas de vous protéger ». Il commence avec la même batterie de questions qu’à l’Institut Fournier. Puis il aborde des pratiques non-sexuelles : « Est-ce que vous consommez de la drogue ? », « Vous avez des tatouages ou des piercings ? », « Vous vous êtes déjà fait transfuser à l’étranger ? » Plutôt déstabilisant au début, mais dans la discussion, le sourrire du médecin en- courage son patient à dépasser sa pudeur.

ON SORT LES OUTILS ?

Chez les hommes, le prélèvement génital se fait dans l’urètre, avec un tube de coton (ou un simple coton-tige), une curette ophtalmique ou un Bactopick (à gauche). Chez les femmes, avec une brosse à frottis (à droite).

« Votre sexe a-t-il des boutons ou des petites plaies ? » Et oui, ce n’est pas le tout de parler, il faut s’attendre à passer aux choses sérieuses et baisser son pantalon. Quoique… Si la réponse est « non », personne n’ira vérifier. Mais au moindre doute évoqué par le patient, le médecin inspecte son sexe. Et si c’est nécessaire, il effectue un prélèvement génital. Avec les femmes, la méthode est certes désagréable, mais sans douleur : il frotte une brosse, éventuellement un « porte coton » (un grand coton-tige), dans la région du col de l’utérus (on parle de « frottis »). En revanche, pour les hommes, cela peut être plus douleureux. Le médecin introduit généralement un fin tube de coton dans la verge, de quelques millimètres … à deux centimètres, selon les méthodes. Le ressenti varie du désagrément à la franche douleur.

Symptôme ou non, le patient n’échappera pas à … une petite piqure. Après la consultation, direction l’infirmerie pour… une prise de sang. Ouf ! A l’institut Fournier, une infirmière peu bavarde va droit au but. « Donnez- moi votre carton, celui avec votre numéro d’anonymat, et relevez votre manche. » Le sang sera testé pour le sida, la syphilis et l’hépatite B. Les CDAG (Centre de dépistage anonyme et gratuit) sont spécialement dédiés au test de ce groupe spécifique d’infections, mais les CIDDIST les font aussi.

« C’EST BIEN DE L’AVOIR FAIT »

Les résultats tant attendus seront délivrés et expliqués par un médecin dans une semaine (patience, toujours). Lequel pourra aussi prescrire un traitement. « C’est bien de l’avoir fait », conclut la jeune professionnelle de l’Institut Fournier. « Revenez dès que vous avez un doute, ou appelez le centre si vous avez des questions » conseille son confrère de Saint-Louis.
Vous, vous en savez plus désormais. Alors cette fois, il est un fameux conseil qui a le droit de reprendre sa place : « En cas de doute, faites-vous dépister ! »

 

INFOS PRATIQUES

  • ANONYMAT
    Les centres de dépistage publics* respectent un principe d’anonymat. Ils ne demandent ni nom, ni prénom, ni carte vitale. Le patient se voit remettre un petit carton avec un numéro d’identification, à présenter lors du retrait des résultats et à chaque nouvelle consultation. Objectif de cette procédure : faciliter le dépistage volontaire et éviter la stigmatisation des personnes concernées. Le médecin peut cependant proposer une levée de l’anonymat, le temps de prescrire un traitement, une vaccination, ou d’orienter le patient vers un autre service ou un autre praticien, notamment quand un test s’avère positif. Il vous demandera simplement vos nom et prénom. Mais cette dérogation est soumise au consentement express du patient et les données d’identification sont supprimées si les tests s’avèrent négatifs, ou que le malade est réorienté vers une autre structure, ou soigné.
    *Bien que reconnu d’utilité publique, l’Institut Alfred Fournier est une association. Tout n’y est donc pas gratuit et anonyme. Il faudra ainsi présenter sa carte vitale pour effectuer un simple test urinaire.
  • ADRESSES

    Hôpital Saint-Louis : 42, rue Bichat, 75010 Paris. Tél.:0142499924.
    Institut Alfred Fournier : 25, boulevard Saint-Jacques, 75014 Paris. Tél.:0140782600.
    La liste complète des CDAG et CIDDIST français est disponible sur : www.sida-info-service.org .



     

Article co-écrit avec Andréas Petit, dans le cadre d’un enseignement à l’IPJ.