Un journaliste de Ouest France peut-il mentir ?

Attention, j’ai bossé sur l’affaire du siècle aujourd’hui. Enfin c’est à croire.

8h00. J’arrive à la rédaction. Pour la première fois, je suis d’actu matin : je commence plus tôt, je dois réaliser un sujet pour le journal de midi, il est possible que je doive être en direct à midi, avant de poursuive mon tournage l’après-midi pour produire une « version soir » de mon sujet.

Le rédacteur-en-chef du jour me confie un sujet. Il s’agit d’un débrayage des salariés de La Redoute à Roubaix, mécontents de la suppression annoncée du « bus des mines », un autobus financé par l’entreprise depuis des décennies pour emmener au travail les salariées vivant dans le bassin minier. Problème : très vite, un syndicaliste me dit par téléphone que le débrayage n’est pas reconduit aujourd’hui, que le bus est arrivé depuis longtemps puisque tout le monde travaille depuis 8h00 et qu’aucun syndicaliste ne pourra me répondre car ils sont en comité d’entreprise. Bref, c’était une actualité d’hier (jour de publication du papier dans la Voix du Nord, source de mon chef) et je ne pourrai rien faire ce matin.

J’en parle à mon chef, qui me confie alors une autre mission : trouver Jermaine Jackson et lui demander si et pourquoi il annule son concert, ce soir, au casino Barrière de Lille (info RTL). Donc l’idée c’est que moi, petit journaliste de France 3 Nord – Pas-de-Calais, je dégote une interview du frère de Michael Jackson dans les deux heures. Hum… c’est une vanne m’sieur ? La chose fait rire dans la rédaction.

Qu’importe, il faut au moins que je trouve un contact et des infos sur le sujet. La documentaliste me dégote quelques numéros de gens liés à ce spectacle, notamment celui du producteur. Selon Ouest France (qui était à Deauville pour l’une des représentations du spectacle), Jackson et son producteur ne peuvent plus se voir en peinture. Cela expliquerait l’annulation ? Il faudrait déjà savoir si elle est confirmée. J’appelle le casino… qui ne répondra qu’à 10h00. Mon interlocutrice me dit que le concert est maintenu. Merde ! Et je fais quoi comme sujet moi ? Mais c’est pas le pire. Le casino refuse de me parler. Sachant que parallèlement, le producteur ne répond pas au téléphone, je suis à poil.

J’informe mon chef. Sa réponse : « Vas-y quand même, au casino, fais le forcing ! » A vrai dire, cela fait déjà trois fois que je les appelle pour insister. Mais bon, c’est l’affaire du siècle apparemment. Il est 10h30 et je suis toujours sensé faire un sujet d’ 1’30, programmé en Une du journal de midi.

Heureusement, tout va se décanter à 11h. Suite à un nouvel appel, le casino me dit qu’ils viennent d’apprendre que, finalement, le concert est annulé ! Toujours pas possible d’avoir une interview cependant. Puis mon chef retrouve le numéro direct du directeur de la communication du casino. Je l’appelle et il me donne finalement rendez-vous avant midi. L’interview se fera à 11h15. Montage à partir de 11h30. J’avais demandé quelques captures web à l’infographiste et une vidéo téléchargée sur Youtube. Je rassemble tout ça vite fait et le sujet est diffusé.

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Restera à tourner une version pour le journal du soir. Le bon point, c’est que le producteur a fini par m’appeler lui-même. C’était dans le chemin du retour du casino, à 11h20. Au passage, il me parle comme si j’étais son ami de toujours : « Bonjour ! Comment allez-vous Mickaël ?! ». Je ne le connais pas, mais il a été informé de mon nom et de mon numéro par un intermédiaire que j’avais moi-même contacté dans la matinée. Bref, ce qui importe, c’est qu’il peut m’accorder une ITW par téléphone (il est à Paris) quand je veux.

Je le rappelle à 16h (après avoir tourné deux nouvelles séquences au casino). Je suis en cabine de mix, prêt à enregistrer… mais il me dit de plutôt le rappeler à 17h. Bon. Je rappelle à 17h (entre temps, j’ai commencé à monter) et voilà qu’il regarde (j’entends) mon reportage, diffusé à midi, en même temps qu’il m’a au téléphone. Et là le garçon devient moins jovial… Dans le sujet, j’évoque toutes les informations balancées par Ouest France sur les désaccords entre lui et Jermaine Jackson. « C’est pas bien, ce que vous avez raconté Mickaël ». Je fais le dos rond, raconte que je suis dans une position où je suis obligé d’évoquer ces informations que les gens ont forcément lues, et que c’est pour ça que, même si j’ai moi-même dit dans le sujet qu’il démentait, ce serait « plus fort » s’il le disait lui-même. Emballé, c’est pesé : il accepte de me répondre.

L’ITW durera un quart d’heure (il est bavard). Mais au moins j’ai tous mes éléments. Exceptée peut-être… une discussion avec le journaliste de Ouest France. J’ai tenté de le joindre : il a refusé de me parler, prétextant un manque de temps et me renvoyant vers la direction départementale. Sympa l’entraide entre confrères.

Le fait est que le producteur m’a donné beaucoup d’arguments, laissant fortement penser que le papier de Ouest France est totalement bidonné. Mais je n’ai pas de preuve. Je n’aurai pas la solution dans cette affaire (du siècle…).